Une émeute avec un masque de Jason — Entrevue avec l'auteur Vic Verdier (Éviscération 018)

Aujourd’hui, je vous propose une nouvelle façon de parler de livres d’horreur québécois. J’ai posé quelques questions à l’auteur Vic Verdier, dont le livre Émeutes sera en librairie très bientôt. Aimez-vous cette forme de Éviscération? Dites-nous le dans les commentaires commentaires! La formule habituelle sera de retour dans un Éviscération futur. Pour l’instant, vous avez rendez-vous avec Vic Verdier.
 
Vic Verdier, qui es-tu?
 
Je suis un gars de Québec qui a fait sa vie dans la couronne nord de Montréal. Mon vrai nom est Simon-Pierre Pouliot, mais j’écris sous le pseudo de Vic Verdier. Quand je ne m’efforce pas de devenir romancier à temps plein, je gagne ma croute comme directeur des communications. J’écris dans une grande variété de genres, un peu à l’image de ce que j’aime lire. J’ai eu le bonheur de remporter le Prix Jacques-Brossard de la Sci-Fi et du Fantastique 2015 avec L’Empire bleu sang. Je me rends compte que, de plus en plus, mes écrits ont quelques points communs : des galeries de personnages qui tournent autour de la trame narrative chacun à leur façon, des intrigues bâties autour de moments de bascule — souvent des situations extraordinaires —, la propension à privilégier l’action à l’évolution de l’état émotif des personnages, une tendance à devenir de plus en plus assumés dans la violence et le gore.
 
Mes livres raccourcissent, aussi. J’aime bien cette idée de plus avec moins…
 
Peux-tu nous parler un peu de ton nouveau livre?

Émeutes, c’est du Tarantino en plein cœur de Montréal; une histoire racontée de plusieurs points de vue, en boucle, pas toujours de façon chronologique, de façon brutale, souvent dans un vocabulaire cru… Nous sommes dans un futur indéfini, mais proche. Les Canadiens affrontent les Flames dans la finale de la Coupe Stanley. (C’est un roman, je peux écrire ce que je veux!) On se prépare à une mother f&$kin’ émeute de fou. Le roman s’ouvre et se ferme sur Vic, qui flambe ses derniers dollars avec sa fille au match, juste avant de mettre en œuvre son suicide au petit matin. Émeutes propose sept autres histoires entrecroisées avec celle de Vic, comme des dominos, dans lesquels un personnage central se trouve à un carrefour. Une fois que le premier domino tombe, il entraine les autres dans sa chute. Tout se passe donc entre 19 h 4 et à peu près 23 h, dans et autour du Centre Bell. On s’explose, on viole, on se déguise en Jason, on fraude, on assassine à coups de bâtons de hockey, on se fait rouler dessus, des couilles partent en fumée… C’est vraiment très plaisant…
 
Quel est le roman qui a le plus inspiré ton travail d’auteur?
 
Je suis tombé dans la littérature avec Alexandre Dumas, surtout son Monte-Cristo. Il me reste de ce roman une petite fixation sur l’idée de la vengeance. (Je me suis nourri de Tolkien et ça a peut-être retardé mon incursion dans le monde des auteurs…)
 
Mais, de façon plus pragmatique, je suis très inspiré par l’œuvre d’Elmore Leonard. J’ai pas mal englouti sa bibliographie… et je trouve qu’il frise le génie. C’est de lui que je poursuis la quête d’être un dialoguiste avant d’être un romancier. Quel superbe moment de lecture quand tu comprends ce qui se passe à l’intérieur à l’aide de ce qui se dit et de ce qui se produit! Par contre, je développe une écriture quand même plus décapante que la sienne. Dans mes romans, quand ça saigne, ça saigne. Il n’y a pas que la balle tirée du révolver, il y a son trajet, les artères qu’elle sectionne et les gens éclaboussés par l’hémoglobine. (Dans ce sens-là, il y a un peu de Senécal, de King et de GRR Martin dans le Verdier.)
 
Tu visites une librairie imaginaire et tu trouves le livre de tes rêves. De quoi parle-t-il?
 
Il s’y passe plein de choses, il foisonne, il me fait rire et me fait pleurer. Je pense que c’est du roman historique, au début, mais il s’avère être bien plus que ça. Peut-être que c’est en fait de la science-fiction. Je pense savoir qui est le personnage principal, puis l’auteur m’en propose un autre. Le monde dans lequel l’histoire se déroule ressemble au nôtre, mais a bifurqué quelque part. Il est écrit au présent, sans flafla. Il y a plusieurs tomes, rassemblés dans un gros volume, et son auteur est encore vivant… on peut espérer de la continuité. Je me rends compte que sa photo est en fait la mienne, volée sur le Web.
 
En quelques lignes, imagine une scène d’horreur. (Attention cher Éviscéré, ça pourrait faire mal!)
 
Quand ma femme me réveille, j’ai la sensation que mon cerveau est traversé par des tiges chauffées à blanc. Je n’aurais pas dû boire le reste du gin avant de rejoindre ma tendre moitié au lit. Du bon Hendrik’s, en plus… bu au goulot, pratiquement gaspillé. D’un autre côté, je ne serais probablement pas arrivé à m’endormir sans une copieuse dose de fort.
 
« Le petit pleure, Vic, c’est ton tour… Vas-y avant qu’il réveille l’autre. » L’autre, c’est Clara. Une fois réveillée, il n’y plus rien à faire avec elle. Rien. Une princesse de six ans, gâtée, pourrie. On l’appelle Belzébuth dans son dos, c’est pour rire, évidemment.
 
Le plancher est instable sous mes pieds, je m’accroche au chambranle de la porte pour ne pas tomber. Je parviens enfin au lit du bébé. Il pleure comme si on lui brisait les os un à un. Merde. Au moins, la porte de la chambre de Clara est toujours fermée. Je le prends dans mes bras. Il se calme un peu. Vite, direction le rez-de-chaussée lui préparer son biberon — la lumière est déjà allumée, tant mieux, j’ai dû oublier. La deuxième marche est gluante sous mon pied nu. Gluante, froide et glissante. Je perds l’équilibre. Le crâne du bébé se déforme et craque lorsqu’il se trouve coincé entre le palier et mon épaule. Les pleurs cessent. Le souffle coupé, j’ouvre les yeux l’un après l’autre.
 
Assise dans le salon, Clara me sourit. Elle mange le reste de son pouding à la vanille avec les doigts en faisant tourner la bouteille de gin sur la table à café. Je vomis dans les marches. Clara se met à rire.
 
 
C’est tout pour ce Éviscération, à bientôt!
 
Frédéric Raymond, éditeur
La Maison des viscères

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